Changement climatique : transmission au repreneur de la « dette carbone » d’une entreprise en liquidation judiciaire

Décision de justice
Passer la navigation de l'article pour arriver après Passer la navigation de l'article pour arriver avant
Passer le partage de l'article pour arriver après
Passer le partage de l'article pour arriver avant

Par un jugement du 14 mars 2024, le tribunal administratif d’Orléans a considéré que le repreneur d’une exploitation bénéficiant d’autorisations d’émission de gaz à effet de serre (GES) est redevable des rachats de quotas dus par l’ancien exploitant, même si celui-ci a fait l’objet d’une liquidation judiciaire.

La société New Duralex International (NDI) a repris l’activité de la société Duralex, exploitée à La Chapelle-Saint-Mesmin, lors de la liquidation judiciaire de cette dernière en 2020.
Au titre de l’année 2020, dernière année d’exploitation par la société Duralex, celle-ci a émis plus de GES que les quotas qui lui avaient été alloués. Elle devait donc racheter des droits sur le marché pour solder son compte (soit environ 840 120 euros selon le cours du marché), sous peine d’une amende de plus de 2 millions d’euros. La reprise des actifs par la société NDI, incluant l’autorisation d’exploitation du site (lequel constitue une installation classée pour la protection de l’environnement) et l’autorisation d’émission des GES, est intervenue sans que cette dette ne soit soldée.

En outre, dans son offre de reprise validée par le tribunal de commerce, la société repreneuse avait soigneusement précisé qu’elle ne reprenait pas ce passif.
La société NDI a alors demandé au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la Caisse des dépôts et consignations (cette dernière étant gestionnaire des comptes de droits à émission de GES) que le passif correspondant à l’activité antérieure à sa reprise soit isolé dans un sous-compte (dont seraient redevables éventuellement les organes de liquidation de la société Duralex) et que l’activité postérieure soit comptabilisée dans un autre sous-compte dont elle serait responsable. Le ministre et la Caisse ont rejeté cette demande et la société NDI a saisi le Tribunal.
Celui-ci a dû arbitrer entre les dispositions relatives aux procédures collectives, sur le fondement desquelles la société NDI présentait sa requête, et celles du code de l’environnement qui régissent les attributions de quotas d’émission de GES et les obligations de rachat. Il a fait prévaloir le III de l’article R. 229-17 de ce code, dont la rédaction est particulièrement explicite et dispose que, « en cas de changement d’exploitant, les obligations de déclaration des émissions et des niveaux d’activité et de restitution incombent, pour la totalité des années précédentes, au nouvel exploitant dès l’intervention du changement d’exploitant ». Il a ainsi jugé que les dispositions spécifiques du code de commerce ne sauraient faire obstacle à l’application de ces dispositions du code de l’environnement, issues de la transposition de la directive 2003-87-CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 2003. Il en a déduit que la société NDI n’était pas fondée à contester le refus qui lui a été opposé d’isoler le passif de quotas d’émission de GES dans un sous-compte distinct de celui retraçant l’activité lui incombant. Il a donc rejeté sa requête.

> Voir le jugement